Égrégore

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Un égrégore (ou eggrégore) est un concept désignant un esprit de groupe constitué par l'agrégation des intentions, des énergies et des désirs de plusieurs individus unis dans un but bien défini.

Dans l' accompagnement, l'égrégore d'équipe est perceptible dans l'atmosphère d'équipe (ou la dynamique de groupe), qui peut être pesante ou enthousiasmante, étouffante ou inspirante. Il est affecté par l'état des relations et par l'adhésion profonde ou non de chacun dans le projet commun. Il résulte des moments vécus et constitue une dimension de la dynamique de groupe dont l'équipe peut prendre soin[1],[2].

Dans l'ésotérisme, il s'agirait d'une force qui aurait besoin d'être constamment alimentée par ses membres au travers de rituels établis et définis.

Le terme, apparu dans la tradition hermétiste, a été repris par les métaphysiciens, qui l'ont chargé d'un fort potentiel subversif.

« Il est cher à mon cœur que des groupes de prière continuent de se former, il en faut le plus possible. À chaque fois la Force Divine se trouve au milieu du groupe et en multiplie ainsi l'égrégore lumineux qui s'en dégage. C'est d'un même cœur, d'une même force que vos intentions sont envoyées à Dieu notre Père[3]. »

Notons que ce "Message du Père Pio du 21 décembre 2007", sans références, peut donc difficilement être attribué au "Padre Pio" (le capucin italien Francesco Forgione, 1887-1968), qui ne semble pas avoir utilisé le terme dans ses écrits : au mieux il ne pourrait s'agir que d'une "révélation privée" (post mortem, et reçue par qui ?), en tout cas non reconnue par l'Église catholique qui l'a canonisé en 2002.

Étymologie[modifier | modifier le code]

En latin, egregius signifie « remarquable, illustre, exceptionnel ». Cependant, c'est dans le grec ancien[4] qu'il faut chercher l'étymologie et la logique du vocable égrégore.

Celui-ci s'entend aussi bien dans έγρήγορα (égrègora), parfait d'έγείρω, faire lever, éveiller, réveiller, que dans le verbe dérivé έγρηγοράω (égrègoraô), être éveillé, ou le substantif féminin έγρήγορσις,εως (égrègorsis), veille, ou encore les adverbes έγρήγορότως (égrègorotôs) et έγρηγορτι (égrègorti), signifiant tous deux en veillant[5].

Le terme désigne les anges déchus (cf. Genèse VI) qui convoitent les "filles de Seth" dans le livre d'Enoch (ou Hénoch). Ils sont conduit par Samyasa et se jurent de conduire leur entreprise, sur le mont Hermon (de l'Anathème). Ils engendrent les Géants avant le Déluge.

Le terme égrégore apparaît en 1857 dans la langue française sous la plume de Victor Hugo dans La Légende des siècles (L'Italie - Ratbert)[6]. La très large diffusion du poème au XIXe siècle assure la pérennité du mot, qui aurait pu rester un hapax poétique nécessité par une rime avec « mandragore ».

À la graphie créée par Victor Hugo s’ajoute la variante eggrégore, mais on trouve aussi des graphies pseudo-latinisantes comme egrigor ou égrigore.

Tentatives de définition[modifier | modifier le code]

Pour Stanislas de Guaita, le terme désigne l'idée de la « personnification » de forces physiques ou psychophysiques non surnaturelles. Le mot est souvent aussi synonyme de forme-pensée. Robert Ambelain[7] définit le terme comme « une force engendrée par un puissant courant spirituel et alimentée ensuite à intervalles réguliers, selon un rythme en harmonie avec la Vie universelle du Cosmos, ou à une réunion d'entités unies par un caractère commun. Dans l'invisible hors de la perception physique de l'homme, existent des êtres artificiels, engendrés par la dévotion, l'enthousiasme, le fanatisme, qu'on nomme des égrégores ».

Le médecin Pierre Mabille, compagnon de route du surréalisme et auteur de plusieurs ouvrages sur ce mouvement, définit le terme égrégore comme un « groupe humain doté d'une personnalité différente de celle des individus qui le forment. Bien que les études sur ce sujet aient été toujours ou confuses ou tenues secrètes, je crois possible de connaître les circonstances nécessaires à leur formation. J'indique aussitôt que la condition indispensable, quoique insuffisante, réside dans un chaos émotif puissant. Pour employer le vocabulaire chimique, je dis que la synthèse nécessite une action énergétique intense[8] ».

Pour Gaetan Delaforge, c’est un « esprit de groupe qui lie les membres, les harmonise, les motive et les stimule afin de réaliser les objectifs du groupe. Il leur permet également de faire des progrès “spirituels” qu’ils ne feraient pas s’ils travaillaient seuls. Un égrégore peut cependant être perturbé par la pensée négative de personnes qui ne sont pas en accord avec les objectifs. Par conséquent, les groupes ésotériques tentent de se protéger de pensées négatives qui pourraient affecter leur égrégore[9] ».

En franc-maçonnerie, Jack Chaboud le décrit comme un moment d'exaltation collectif, souvent vécu en fin de tenue lors de la chaîne d'union regroupant les maçons formant cercle, mains enlacées, évoquant le lien qui les unit aux maçons du monde entier, à ceux qui les ont précédés et à ceux qui les suivront[10].

René Guénon précise quant à lui : « Tout d'abord, nous devons faire remarquer que nous n'avons jamais employé le mot “égrégore” pour désigner ce qu'on peut appeler proprement “une entité collective” ; et la raison en est que, dans cette acception, c'est là un terme qui n'a rien de traditionnel et qui ne représente qu'une des nombreuses fantaisies du moderne langage occultiste. Le premier qui l'ait employé ainsi est Eliphas Lévi, et, si nos souvenirs sont exacts, c'est même lui qui, pour justifier ce sens, en a donné une étymologie latine invraisemblable, le faisant dériver de grex, “troupeau”, alors que ce mot est purement grec et n'a jamais signifié autre chose que “veilleur”. On sait d'ailleurs que ce terme se trouve dans le livre d'Hénoch, où il désigne des entités d'un caractère assez énigmatique, mais qui en tout cas semblent bien appartenir au “monde intermédiaire” ; c'est là tout ce qu'elles ont de commun avec les entités collectives auxquelles on a prétendu appliquer le même nom[11]. »

Création ou destruction des égrégores[modifier | modifier le code]

Un égrégore naîtrait, par exemple, d'une fervente prière collective, d'une thérapie de groupe, d'un soin énergétique, d'un rituel qui pourrait être chamanique par exemple[7].

Il serait constitué d'un agglomérat ou une agglomération de pensées similaires d'origine individuelle ou partagées par d'autres membres d'un groupe ou d'une société. Certains auteurs parlent d'ondes de forme issues de la pensée ou formes-pensée plutôt que d'égrégores. Un égrégore inclut une dimension énergétique bien que son origine soit principalement de caractère psychique ou psychologique. Lorsqu'un égrégore n'est plus alimenté par un ou plusieurs individus il se dissout par lui-même. Les égrégores ont donc une durée limitée dans le temps.

Pour la médium et réalisatrice romande Denise Kikou Gilliand, « des deuils, des séparations, des abus de drogues ou d’alcool, etc., peuvent alimenter une forme-pensée, c’est-à-dire une énergie qui, à force de mobilisation de tout un groupe, peut effectivement devenir visuelle et palpable et avoir une sorte d’autonomie effrayante. Mais il s’agit plus d’égrégores nourris par une hystérie collective que de véritables fantômes[12] ! ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. jeanluc Christin, Constitution gouvernance cellulaire V3.0 (lire en ligne), p. 14/81
  2. jeanluc Christin et l'équipe d'écriture, « 3.3 Egrégore d'équipe », sur hébergement sur github, Il s'agit de la même source sous sa version dépôt de licence CCbySA,
  3. Message du Père Pio du 21 décembre 2007
  4. Bailly, M.A., Abrégé du dictionnaire grec-français, Paris, Librairie Hachette, 1901.
  5. Le Prince de ce Monde : Précis de démonologie occidentale et dictionnaire des démons, Nahema-Nephthys et Anubis.
  6. Lire en ligne
  7. a et b Robert Ambelain, La Kabbale pratique
  8. Egrégores ou la vie des civilisations, 1938
  9. Gaetan Delaforge, "Gnosis" n°6
  10. Jack Chaboud, La Franc-maçonnerie, histoire, mythes et réalité, Librio, 2004, p. 69
  11. Influences spirituelles et Égrégores, in Revue les Éditions Traditionnelles no 259, avril-mai 1947 et repris dans l'ouvrage posthume Initiation et Réalisation Spirituelle, chapitre VI, p. 59-64 (réédition année 2008), Éditions Traditionnelles, (ISBN 978-2-7138-0058-0)
  12. Le Temps du 31.10.2018, « Dans la mort, il n’y a ni colère, ni vengeance » [1]

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Egrégores ou la vie des civilisations, de Pierre Mabille, éd. Jean Flory, Paris, 1938. (Réédition Le Sagittaire, Paris, 1977, avec une préface de Radovan Ivsic, Pierre Mabille ou le refus du malheur; seconde réédition, Egrégores éditions, Marseille, 2005. http://egregores.editions.free.fr/ )
  • Les égrégores : L'inconscient collectif des groupes humains de Alain Brêthes, Oriane 1997
  • Jean Lorrain, « L'Egrégore », conte publié en 1891 dans « Sonyeuse, soirs de province, soirs de Paris », repris dans « L'Ange noir. Petit traité des succubes », textes réunis et présentés par Delphine Durand et Jean-David Jumeau-Lafond, Paris, La Bibliothèque, 2013.
  • Égrégore, de Gab Stael, est un roman de genre Fantastique, publié par Rebelle éditions en 2017.
  • Minuit 13 L'égrégore, de Jean-Nicholas Vachon, Michel Quintin éditeur, 2016
  • La magie des égrégores - Créer et maîtriser les énergies psychiques collectives, de Vincent Lauvergne, éd TrajectoirE, 2017

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]