Amadouvier

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Fomes fomentarius

Fomes fomentarius, l'amadouvier, aussi polypore allume-feu ou fomes allume-feu, est une espèce de champignons basidiomycètes lignicoles de la famille des Polyporaceae.

La présence de carpophores en console du Polypore amadouvier sur le volis et la chandelle d'un hêtre montre que l'arbre a été attaqué par ce champignon parasite nécrotrophe lignicole.

Étymologie[modifier | modifier le code]

Son nom français renvoie à l'amadou, mot d'origine provençale qui signifierait « amoureux », allusion à sa disposition à « s'enflammer[1] ».

Le nom de genre vient du latin fomes, « amadou ». Il dérive, comme l'épithète spécifique fomentarius, du latin fomentum, lui-même issu de fovere, « chauffer », traduisant ses usages millénaires d'allume-feu[2].

Description[modifier | modifier le code]

Fomes fomentarius
Coupe de Fomes fomentarius
Un autre amadouvier, à Kroondomein Het Loo (nl), au Veluwe, en Holande. Décembre 2020.

Le chapeau, de 10 à 40, voire 50 cm de large, et de 10 à 20 cm d'épaisseur, en sabot de cheval[3], gris pâle, blanchissant, avec une marge crème à brun noisette est en réalité une concrétion de multiples chapeaux empilés les uns sous les autres. Ils sont ainsi gravés de sillons concentriques délimitant des bourrelets de taille croissante en allant vers la base, indiquant chaque nouvelle fructification. Les tubes sont longs, bruns et totalement stratifiés car, ici encore, à chaque poussée de ce champignon pérennant, une nouvelle couche de tubes recouvre la précédente. Les pores sont gris clair à noisette, petits, arrondis, environ 0,2 mm. La sporée est jaunâtre[4],[5],[6].

Il n'y a pas de pied, le champignon pousse en console. La chair est subéreuse, très difficile à couper, de couleur fauve à brun foncé. La croûte est épaisse, très coriace, gris noirâtre et brillante à la coupe[4]. Les exemplaires frais dégagent une odeur de pomme.

Habitat[modifier | modifier le code]

C'est un redoutable parasite de divers feuillus : hêtre, platane, frêne, bouleau, peuplier, chêne, marronnier, copalme et autres. Il se fixe sur des arbres faibles ou blessés, produit une pourriture blanche et finit en quelques années par tuer son hôte.

Usage médicinal et artisanal[modifier | modifier le code]

L'amadouvier n'est pas comestible.

Connu depuis le Ve siècle av. J.-C., il a servi en médecine pour ses vertus cicatrisantes et hémostatiques[7]. Il était cueilli autrefois pour la fabrication de liqueurs amères.

On tire de sa chair spongieuse l'amadou. Ce matériau combustible était utilisé comme allume-feu dès la Préhistoire (stock amassé au site néolithique de La Marmotta — Italie centrale, VIe millénaire av. EC[8] —, « briquet préhistorique » identifié dans le sac du chasseur Ötzi vers 3200 av. EC) car il s'embrase facilement au contact des étincelles produites par la percussion de deux pierres[9]. Cette pratique est également attestée en Chine impériale où l'amadou était employé pour allumer la poudre noire « des feux d’artifice et des arquebuses. Après broyage, on ajoutait du salpêtre (nitrate de potassium) et du chlorate de potassium. Il suffisait alors de générer une étincelle en percutant un silex contre une marcassite ou de la pyrite pour ranimer le feu couvant. Progressivement, les percuteurs en acier vont remplacer la pyrite du briquet à silex. Le briquet à silex a perduré en France jusqu’en 1914, avec des artisans « amadoueurs » en Gironde ainsi qu’à Niaux, dans l’Ariège[10] ».

Il sert aussi à absorber l'humidité, notamment pour sécher les mouches utilisées pour la pêche à la mouche, ou bien à fabriquer une sorte de cuir végétal[11],[12],[13].

Selon Buller[14] et Ainsworth[15], la première mention historique de l'amadou date du Ve siècle av. J.-C., dans les écrits du médecin grec Hippocrate qui l'utilisait pour pratiquer des cautérisations. Un morceau d'amadou (provenant très vraisemblablement d'un carpophore de Fomes fomentarius) était enflammé et placé sur la peau, proche d'une blessure à cautériser. Cet usage a survécu jusqu'au XIXe siècle en Laponie, au Japon et au Népal (où cette pratique porte le nom de moxibustion, et la mèche que l'on applique sur la peau s'appelle moxa, nom provenant du japonais mogusa, qui désigne une armoise servant également à préparer des cautères).

Jusqu'au XIXe siècle, les jeunes amadouviers étaient ramollis par un séjour plus ou moins long dans une cave ou un lieu frais, dépouillés de leur écorce, coupés en tranches minces et battus au maillet[16], avant d'être séchés afin d'obtenir une masse feutrée servant d'hémostatique non astringent pour arrêter les hémorragies légères[17]. D'où son appellation agaric des chirurgiens ou d'amadou des chirurgiens appliqué directement sur les plaies par exemple lors de la guerre de 1870[18].

Ethnomycologie[modifier | modifier le code]

Curieusement, au Japon, c'est le polypore soufré qui servait d'allume-feu : Laetiporus sulfureus (Bull. : Fr.) Murrill, var. miniatus (Junghuhn) Imaz, nom scientifique japonais : Masu-take, 鱒茸, マスタケ, « champignon truite ».

 Avant de devenir le nom national de l'espèce, c'était l'appellation commune dans la préfecture de Niigata.

  • Aikawa-take, 藍皮茸, アイカワタケ, « champignon de cuir ».
  • Akanbō, 赤ん坊, アカンボウ (Yamagata), « (pt'it rougeaud), bébé ».
  • Fukuchi, フクチ (Yamagata), Fukuji フクジ (Fukushima, Aomori), Hoguchi ホグチ (Akita), sont autant d'altérations patoisantes de l'allume-feu : 火口 (Hokoutchi) [Hokuchi] ホクチ, « amadou ».
  • Hi-goke, 火木毛, ヒゴケ (Gifu, Aichi) , « Champignon à feu ».
  • Hokuchi-kinoko (Iwate), Hokuchi-take (Gifu). 火口木の子, 火口茸, ホクチキノコ, ホクチタケ, « amadouvier ». Ce nom figure dans le Shinyō Kinpu de Tchikan Itchioka (« Atlas illustré des champignons de la région de Shinyō » [partie de Nagano]) de 1799, ainsi que dans la révision de 1861 du Shijifu (« Traité des champignons »), par Kōken (Jakousō) Yoshida.

Jusque vers 1960, des champignons étaient encore utilisés comme allume-feu dans diverses régions de l'archipel. Le plus communément utilisé est le polypore soufré et sa variété, ou plus rarement Tyromyces sambuceus. Par contre, le traditionnel amadouvier d'Europe et de Sibérie, Fomes fomentarius, pourtant pas rare au Japon, n'est pratiquement jamais mentionné comme allume-feu[19].

Symbolique[modifier | modifier le code]

Calendrier républicain[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Un poète bûcheron aurait ainsi vendu la mèche : « L'amour est un feu qui dévore, mais... l'envie de scier est plus forte encore ! », étymologie peu convaincante selon le cnrtl. Plus recevable est la relation inverse, la sporée jaune d'amadouvier aurait servi à se faire « porter pâle », passer pour malade et « amadouer » les potentiels donneurs d'obole (1546, indirectement attesté par son dérivatif amadouer* « frotter avec de l'amadou » Rabelais, Prol., III ds Hug.)[réf. souhaitée]
  2. Joseph Hsu, Word Elements of Bio-science, Southern Benedictine College, , p. 60
  3. Souvent en "pattes d'éléphants" pour les vieux carpophores.
  4. a et b Becker, Georges, 1905-, Champignons, Paris, Gründ, , 223 p. (ISBN 2-7000-1803-6 et 978-2-7000-1803-5, OCLC 9724870, lire en ligne)
  5. André Marchand, Champignons du Nord et du Midi, tome m, Perpignan, Société mycologique des Pyrénées, 1975, p. 178.
  6. op. cit. B. Roussel (2002) p. 10.
  7. op. cit. B. Roussel (2002) p. 23-29.
  8. [Gibaja et al. 2024] (en) Juan F. Gibaja, Mario Mineo, Francisco Javier Santos, Berta Morell, Laura Caruso-Fermé, Gerard Remolins, Alba Masclans et Niccolò Mazzucco, « The first Neolithic boats in the Mediterranean: The settlement of La Marmotta (Anguillara Sabazia, Lazio, Italy) », PLoS ONE, vol. 19, no 3,‎ (lire en ligne [sur journals.plos.org], consulté en ).
  9. Bertrand Roussel et Paul Boutié, La grande aventure du feu : histoire de l'allumage du feu des origines à nos jours, Edisud, , p. 37
  10. Francis Martin, Tous les champignons portent-ils un chapeau ?, éditions Quæ, , p. 93
  11. John Van Vliet, Fly Fishing Equipment & Skills, Creative Publishing, , 144 p. (ISBN 0-86573-100-4)
  12. Jon Beer, « Reel life: fomes fomentarius », The Telegraph,
  13. « Le champignon, ce nouveau cuir végétal | Décisions durables », sur www.decisionsdurables.com (consulté le )
  14. Buller, A.H.R. (1915) - The fungus lore of th Greeks and Romans. Trans. Brit. myc. Soc., 5, 21-66
  15. Ainsworth, G. C. (Geoffrey Clough), 1905-1998., Introduction to the history of mycology, Cambridge University Press, , 376 p. (ISBN 978-0-521-11295-6 et 0-521-11295-8, OCLC 317254817, lire en ligne)
  16. ES. Cordier, Les Champignons, histoire, description, culture, usages des espèces comestibles, vénéneuses, suspectes employées dans les arts, l'industrie, l'économie domestique, la médecine, Paris, J. Rothschild, 1876.
  17. S. -F. Morand, « Sur un moyen d'arrêter le sang des artères sans le secours de la ligature », Mémoires de l'Académie royale de chirurgie, 1855, n° 1, p. 535-540 (reproduction de l'édition de 1743-1774).
  18. B. Mantoy, « L'armoire à pharmacie du mycologue », Naturalia, 1957, n° 43, p. 7-13.
  19. 今関六也 Rokuya Imazeki 1973 - Japanese mushroom namesTransactions of the Asiatic Society of Japan, 3rd ser., v. 11, pp. 25-80)
  20. Ph. Fr. Na. Fabre d'Églantine, Rapport fait à la Convention nationale dans la séance du 3 du second mois de la seconde année de la République Française, p. 23.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • André Marchand ((tome III/IX)), Champignons du Nord et du Midi, Perpignan, Société mycologique des Pyrénées méditerranéennes Diffusion, Hachette, (ISBN 84-399-3605-2)
  • S. -F. Morand, « Sur un moyen d'arrêter le sang des artères sans le secours de la ligature », dans Mémoires de l'Académie royale de chirurgie, t. 1, , p. 535-540. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Bertrand Roussel et al., L’Amadouvier, grande et petite histoire d’un champignon. Supplément hors-série des Annales de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, Montpellier, Société d'Horticulture et d'Histoire Naturelle de l'Hérault, , 48 p. (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Bertrand Roussel et al., « Fomes fomentarius (L. : Fr.) Fr., un champignon aux multiples usages. », Cryptogamie / Mycologie, vol. 23,‎ , p. 349-366 (lire en ligne)
  • Bertrand Roussel, « L'amadouvier aux mille et un usages. », dans A. Champagne, Le guide des Champignons, Toulouse, Milan Presse, , p. 89
  • Bertrand Roussel et al., « Mais quel est donc cet « Agaric de Brossard » ? », Annales de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, vol. 142,‎ , p. 39-54
  • Bertrand Roussel et al., « L'amadouvier, entre histoire et ethnomycologie », La Garance Voyageuse, no 62,‎ , p. 21-27
  • Bertrand Roussel, « L'amadouvier, Fomes fomentarius (L. : Fr.) Fr. au travers des collections du musée de la Pharmacie de Montpellier », Bulletin de liaison de l'Association des amis du musée de la pharmacie de Montpellier, no 28,‎ , p. 9-19
  • Bertrand Roussel et Sylvie Rapior, « Les usages de l'amadouvier en odontologie », Annales de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, vol. 145,‎ , p. 5-8 (lire en ligne)
  • D. Thoen, « Usages et légendes liés aux polypores. Note ethnomycologique n° 1 », Bulletin de la Société mycologique de France, vol. 98, no 3,‎ , p. 289-318 (lire en ligne)

Liens externes[modifier | modifier le code]

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