Base élèves 1er degré

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Base élèves 1er degré (appelé aussi BE1D ou Base-élèves) est une application d’aide à l’inscription des élèves et à la gestion pour les directeurs d’école et les mairies de France. Elle a été déployée à partir de 2007.

Sa mise en place s'est accompagnée de contestations médiatisées de parents d'élèves et d'enseignants qui craignaient un fichage des enfants et des familles. Ce mouvement a conduit à l'été 2008 le ministre de l'Éducation nationale Xavier Darcos à prendre la décision de retirer les informations à polémique comme la nationalité, l'année d'arrivée en France, l'enseignement de la langue et la culture d'origine[1].

Description[modifier | modifier le code]

Depuis plus de quinze ans, les actes de gestion relatifs aux élèves du second degré utilisent comme identifiant pour chaque élève une immatriculation administrative (INE : pour Identifiant National Élève pour les étudiants). Cette identification est utilisée pour la gestion des examens, des bourses, de la scolarité à partir de l'université et des inscriptions dans l'enseignement supérieur.

Base-élèves se présente sous la forme d'un système de saisie et de gestion informatiques par Internet de tous les élèves des écoles maternelles, élémentaires et primaires en France. Il renferme les données familiales (personne à contacter d'urgence : adresse, numéros de téléphone, etc.) et facilite la gestion des écoles pour les directeurs[2].

Les données sont stockées dans une base académique. Aucune « administration extérieure » ne peut y accéder ; seules les mairies, peuvent demander à utiliser cette application.

Les Caisses d'allocations familiales ou toute autre administration ayant d’autres finalités que l’inscription scolaire ne peuvent pas utiliser Base élèves[3].

Les données nominatives sont visibles jusqu’au niveau de l’inspection académique et anonymées au niveau du rectorat et de l’administration centrale[4]. L'anonymat peut être levé selon des besoins et des limites encadrés par la loi[5] pour les besoins de gestion scolaire des mairies, les rectorats et l’administration centrale du ministère n’ont pas d’accès à l’application et ne reçoivent que des statistiques anonymes[4].

L'application a été déclarée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) le .

En 2007, 80 départements français utilisent l'application[6].

Cette application contient:

  • l'identifiant national de l'élève (INE) :
  • l'état civil de l'enfant : les données obligatoires sont le nom de famille et d'usage, le prénom, la civilité, le sexe, la date de naissance, le lieu de naissance (Pays Inconnu est disponible), la commune et le département (renseignements indisponibles si le pays est inconnu), son adresse de résidence et sa situation familiale ;
  • l'identification du ou des responsables légaux de l'enfant : nom, prénoms, lien avec l'élève, coordonnées, autorisations, assurances scolaires ;
  • le cursus scolaire qui contient : le nom de l'école, le niveau, le cycle, les compétences acquises et les groupes d'enseignement.

Le décret MENE0824968A du est disponible sur Legifrance JORF n°0256 du 1 novembre 2008

Les données concernant les élèves du second degré sont enregistrées dans la base Sconet mise en place en 2006.

Durant l'année scolaire 2009-2010 l'ensemble des données hébergées auparavant au CATEL d'Orléans (le centre informatique du rectorat d'Orléans-Tours), ont été reprises par chaque académie.

Objectifs[modifier | modifier le code]

Cet outil informatique vise à :

  • être une aide à la gestion des élèves pour les directeurs
  • un partage des données en temps réel entre les mairies et les directeurs d'école. Les mairies ont l'obligation que tous les enfants de moins de 16 ans de leur commune soient scolarisés ou déclarés comme bénéficiaires de l'enseignement en famille.
  • assurer un suivi du parcours et de la scolarité des élèves.
  • faciliter le travail administratif du directeur d'école.
  • faciliter les échanges d'informations entre les inspecteurs de circonscription et les inspecteurs d'académie.
  • remplacer l'enquête 19. Elle permettait de réaliser un comptage du nombre d'élèves à la rentrée scolaire sur un formulaire papier. Passer sur une application informatique permet de détecter plus facilement les fraudes (élèves comptés deux fois afin de surestimer l'effectif d'une classe pour qu'elle reste ouverte).

Controverses et contestations[modifier | modifier le code]

Les premières versions du textes ont fait craindre à certaines associations[7] que la base ne puisse être détournée de son usage premier (gestion des écoles) pour, par exemple, intervenir dans le contrôle des flux migratoires[8] ou être utilisée pour repérer l'absentéisme (et par exemple supprimer les allocations familiales des fautifs).

En , des syndicalistes de l'Éducation nationale affirment que l'anonymat peut être levé en fonction des besoins de l'administration. Selon eux « Base-Élèves n’est pas un outil au service des besoins éducatifs de la jeunesse, c’est l'instrument d’une politique sécuritaire et policière ». Une pétition est immédiatement mise en place sur Internet pour demander la suppression de « base-élèves »[9].

Sous la pression de ce mouvement relayé par la presse[10], le ministère a supprimé les champs controversés comme la nationalité, l'année d'arrivée en France, l'enseignement de la langue et la culture d'origine, afin de ne pas donner d'arguments aux protestataires. Cette nouvelle version de base élèves 1er degré est présentée le jour de la Toussaint 2008[11]. Cette version allégée satisfait en partie la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen qui déclare que « la mobilisation paye »[12] même si elle maintient un appel à « la plus grande vigilance » en ce qui concerne l'« identifiant national élèves ».

Selon la CNIL, la base élèves n'est pas interfacée avec d'autres logiciels, à part la « Base nationale des identifiants élèves » pour l'attribution d'un « identifiant élève ». Le maire ne connaît pas le nom des enfants ayant bénéficié de soutien scolaire ou de suivi psychologique[13]. Par ailleurs, des logiciels de partage d'informations administratives entre les écoles et la mairie existent de longue date dans de nombreuses villes comme la ville de Paris avec le logiciel Gepi.

La LDH-Toulon met en garde contre les risques que poserait par l'établissement d'un système national centralisé d'identification des élèves dont base-élève et l'attribution d'un unique numéro d'étudiant (INE) sont le fondement[14].

Le Collectif national de résistance à « Base élèves » (CNRBE)[15], en lutte depuis 2008, a porté l'affaire devant le Comité des droits de l'enfant (comité d'experts de l'ONU) qui a demandé des explications à la France fin mars 2009[16]. Après avoir entendu les représentants de la France le , le comité a rendu son rapport dans lequel il se déclare « préoccupé par l’utilisation » de cette application à des « fins telles que la détection de la délinquance et des enfants migrants en situation irrégulière et par l’insuffisance de dispositions légales propres à prévenir son interconnexion avec les bases de données d’autres administrations »[17],[18].

« Depuis le mois de , 2 080 plaintes ont été déposées dans 39 TGI en France » par des parents d'élèves pour dénoncer « l'illégalité des Bases élèves », relève Lyon Capitale en mai 2010[19].

Le , le rapporteur public du Conseil d'État a rendu un avis très critique à l'égard du dispositif en proposant de « remettre à plat tous les textes régissant le fonctionnement de Base Élèves »[20],[21].

Le , le Parquet de Paris a classé sans suite les 2 103 plaintes déposées par des parents d'élèves contre Base-élèves « tout en adressant un rappel à la loi au service juridique du ministère de l'Éducation nationale » souligne Le Figaro[22].

Le , le Conseil d'État annule partiellement les dispositions mettant en œuvre la « base élèves 1er degré » et la « base nationale des identifiants élèves », et demande au gouvernement de procéder à diverses régularisations dans la mise en œuvre de ces traitements automatisés[23],[24],[25].

Le , le tribunal administratif de Bastia reconnaît à deux familles corses que leur revendication du droit d’opposition repose sur des motifs légitimes[26].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Darcos toujours ! », Le Canard enchaîné, no 4574, 25 juin 2008, p. 5.
  2. Syndicat des Enseignants-UNSA - Section des Alpes Maritimes : « Bases élèves : Enfin un texte »
  3. (fr) L'éducation nationale généralise son fichier national des élèves du primaire article du quotidien Le Monde daté du 20.09.2007, signé par Mr Luc Cédelle
  4. a et b ÉduSCOL - SI 1er degré/Base élèves 1er degré
  5. Legifrance JORF n°0256 du 1 novembre 2008
  6. (fr) Base élèves : premier maillon du fichage républicain article du quotidien Le Monde daté du 27.06.2007, signé par Mr Jérôme Thorel
  7. Syndicats de Parents d'élèves, d'enseignants, Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen
  8. Ligue des droits de l'Homme de Toulon : « non au fichage généralisé des enfants ! »
  9. Pétition mise en ligne par le Collectif Rennais de REsistance SOciale (Correso), signée par des centaines de personnes et personnalités du monde de l'éducation, de la philosophie, de la pédiatrie, de la sociologie et de la psychologie, comme Philippe Meirieu, Albert Jacquard, Jacques Testart ou Laurent Ott.
  10. Le Canard enchaîné a notamment révélé dans son numéro du 27 juin 2007 que n'importe qui pouvait facilement s'introduire dans l'application depuis n'importe quel poste connecté à Internet.
  11. Ligue des Droits de l'Homme : Nouvelle version de “base élèves 1er degré”, publiée le jour de la Toussaint 2008
  12. La Ligue des Droits de l'Homme : « base élèves 1er degré : la mobilisation paye »
  13. CNIL - « Que contiennent les fichiers d’élèves des écoles maternelles et élémentaires et qui peut y accéder ? »
  14. base élèves : attention à la Bnie qui se cache derrière !
  15. Site du CNRBE
  16. « Fichier "Base élèves" : la France va s'expliquer devant l'ONU »; 01net.com, 19 mai 2009.
  17. « le comité des droits de l’enfant de l’ONU exprime son inquiétude devant le fichage des enfants », 13 juin 2009. Sur le site de la LDH, section de Toulon.
  18. « given the fact that its utility for the educational system and purposes are not clearly defined, the Committee is concerned that this database be used for other purposes, such as for the detection of delinquency and irregular migrant children and at the insufficient legal safeguards to prevent interconnection with other administrative databases. It is further concerned that parents cannot oppose, are often not informed of the registration of their children and may be reluctant to enroll them in schools. », extrait du projet de rapport officiel [PDF] de la 51e session du Comité des droits de l'enfant.
  19. « Lyon : des parents d'élèves dénoncent le fichage des enfants », Lyon Capitale sur Rue89, 21 mai 2010.
  20. « La base résiste à Base Élèves », Le Canard enchaîné, 7 juillet 2010, p. 4.
  21. « La légalité de Base Élèves et de la BNIE mise à mal devant le Conseil d’État », Collectif national de résistance à Base élèves, 2 juillet 2010.
  22. « Fichier d'élèves : 2000 plaintes de parents classées sans suite », Le Figaro, 16 juillet 2010.
  23. Conseil d'État, communiqué « Education nationale : fichiers “Base élèves 1er degré” et “BNIE” », 19 juillet 2010.
  24. Conseil d'État, décision CE, 19 juillet 2010, M. F. et Mme C. - n° 317182, 323441, 19 juillet 2010.
  25. Conseil d'État, décision CE, 19 juillet 2010, M. F. et Mme C. - n° 334014, 19 juillet 2010.
  26. « Base élèves : une victoire judiciaire pour les opposants au fichier », Mediapart, 19 juin 2012.