Chantal Delsol

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Chantal Delsol
Chantal Delsol en 2018.
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Présidente
Académie des sciences morales et politiques
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ParisVoir et modifier les données sur Wikidata
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Chantal CarlatVoir et modifier les données sur Wikidata
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Chantal Delsol ou Chantal Millon-Delsol, née le à Paris, est une philosophe et écrivaine de nationalité et de langue françaises.

Disciple de Julien Freund, elle fonde l’Institut Hannah Arendt en 1993 et devient membre de l'Académie des sciences morales et politiques en 2007, qu'elle préside en 2015.

Catholique, « libérale-conservatrice », fédéraliste, et en faveur du principe de subsidiarité fondé sur celui de la singularité, elle est éditorialiste à Valeurs actuelles, directrice de collection aux éditions de la Table ronde et l'auteur de plusieurs romans.

Discrète dans les années 1980 et 1990, son œuvre philosophique connaît une notoriété croissante à partir de l'an 2000 et porte notamment sur la modernité tardive, la démocratie, le totalitarisme et le populisme, l'école, l'universalisme républicain et le libéralisme, la philosophie du droit, l'histoire de la religion chrétienne et la philosophie contemporaine d'Europe de l'Est.

Biographie[modifier | modifier le code]

Chantal Delsol est issue d'une famille originaire de Montignac, en Dordogne, de la droite catholique et la fille du biologiste Michel Delsol[1],[2]. Cette admiratrice du dissident tchèque Jan Patočka se définit elle-même comme une « anticommuniste primaire » depuis toujours[3]. Elle est la sœur de Jean-Philippe Delsol, avocat.

Chantal Delsol a été l'élève du philosophe et sociologue libéral-conservateur Julien Freund, disciple de Max Weber, sous la direction duquel elle soutiendra sa thèse en 1982.

Hostile à Mai 1968, elle a milité, en réaction, au sein du Mouvement autonome des étudiants lyonnais (Madel). Elle a utilisé le pseudonyme « Chantal Carlat »[4].

Docteur ès lettres (1982)[5], elle est actuellement professeur à l'université de Marne-la-Vallée, où elle dirige le Centre d'études européennes, devenu Institut Hannah Arendt, qu'elle a fondé en 1993. Son enseignement couvre « le champ de la philosophie pratique, éthico-politique, explorée et jugée en son fondement et en son histoire, notamment dans la modernité tardive. Elle prend plus particulièrement pour objets les relations internationales et la géopolitique européenne. Elle anime, dans ces domaines, des échanges suivis avec, d'une part, l'Europe centrale et orientale, et d'autre part, l'Amérique du Sud ».

Chantal Delsol se définit comme « libérale-conservatrice »[6], et par les médias comme « non-conformiste de droite », « européenne convaincue », « intellectuelle de droite […] appelée à jouer un rôle significatif dans l'entreprise de renouvellement philosophique à l'œuvre au sein du camp conservateur »[3].

Elle est l'épouse de Charles Millon, ancien ministre de la Défense du président Jacques Chirac durant les deux gouvernements Alain Juppé. Elle est membre depuis 2007 d'un laboratoire d'idées européen, l'Institut Thomas More[1]. Ils ont six enfants, dont un adopté, d'origine laotienne[1].

Elle a été élue membre de l'Académie des sciences morales et politiques le au fauteuil de Roger Arnaldez.

Depuis 2011, elle est également rédactrice sur le site d'information Atlantico[7].

En 2016, elle cofonde l'École professorale de Paris, établissement privé de formation des enseignants[8],[9]. En , elle intègre le comité éditorial du magazine conservateur L'Incorrect[10].

Pensée[modifier | modifier le code]

Après sa thèse consacrée à la philosophie politique de l'Antiquité, Chantal Delsol a fait de l'histoire des idées politiques sa spécialité d'enseignement et de recherche. Disciple et spécialiste de la pensée de Julien Freund[1],[11], elle étudie, à partir de la pensée chrétienne, de valeurs catholiques et du personnalisme, la notion de singularité. De ce concept caractérisant l'homme, au niveau tant ontologique que politique, découlent plusieurs de ses choix philosophiques : le libéralisme politique opposé au totalitarisme, le fédéralisme et le principe de subsidiarité, l'autonomie, la famille, l'autorité, qu’elle estime être autant d'institutions de l'individuation, autant de formes d'inscription et d'ancrage de l'individu dans un monde à sa mesure.

Éloge du fédéralisme et de l'Europe[modifier | modifier le code]

Chantal Delsol est une fervente partisane du fédéralisme, idéal qu'elle dit puiser du fonds catholique et des pays germaniques de culture baroque. Elle considère le fédéralisme comme le système politique d'avenir, porteur d'espoir. De ce fait, elle s'oppose aux États unifiés, tel que l'État-nation de Bodin, qu'elle considère comme un frein, géopolitiquement. À l'inverse, une fédération, qui est un contrat indéterminé, inachevé et « perforé » par le degré de flexibilité, consiste à organiser l'État de manière plus fluide et plus ouverte. Selon elle, les fédérations sont des systèmes basés sur une finalité commune: la paix et la prospérité.

Elle considère que l’Union européenne actuelle n’est pas une véritable fédération. Son unité politique fait défaut, bien que l’unité administrative existe, qu'elle qualifie de technocrate, encore que ce terme soit galvaudé. Par exemple, il manque à l'Union européenne une vraie politique étrangère et de défense[12].

Parallèlement, Chantal Delsol met en évidence un esprit européen qui dépasse les particularismes qu'elle qualifie par le mot : irrévérence. Cet esprit européen est marqué par un désir de connaissance contre le besoin de sécurité, une inquiétude contre la paix de l'esprit, et qui se manifeste par une mise à distance à l'égard de ses idéaux. Une thèse fort proche de son ami Jean-François Mattéi. Par ailleurs, un projet politique européen, ouvert à la Turquie, risquerait la dissolution de ses fondements anthropologiques :

« Si nous regardons la Charte des droits de l’homme musulman, nous y trouvons deux espèces humaines distinctes: celle des hommes et celle des femmes. Or, ce n’est pas ainsi que les Européens voient les choses, puisqu'ils héritent de saint Paul le postulat de l’unité de l’espèce humaine. Peut-on imaginer une liberté personnelle qui ne vaudrait que pour une partie d’entre nous ? Les Européens feraient bien de s’interroger là-dessus quand il s’agit de l’entrée de la Turquie en Europe »

— Chantal Delsol, « Liberté et christianisme », in E. Montfort, Dieu a-t-il sa place en Europe ?, p.115.

Principe de subsidiarité[modifier | modifier le code]

Pour l'auteur, la subsidiarité est un principe d'organisation de la société : elle permet d'attribuer le rôle des différentes autorités. L'attribution des pouvoirs ou la distribution des compétences suit le double principe de la suppléance et du secours. Toute autorité responsable d'un groupe a pour fonction de garantir l'existence de l'objet de ce groupe (et non de le réaliser) ; sa fonction, de suppléance, n'apporte les secours nécessaires qu'en cas de défaillance. L'autorité cherchera alors à susciter de leur part un nouveau dynamisme en leur apportant le secours adéquat à leur faiblesse.

Populisme[modifier | modifier le code]

Dans son livre La nature du populisme ou les figures de l’idiot !, Chantal Delsol examine les enjeux du populisme aujourd'hui, c'est-à-dire le regain d’intérêt pour ce concept et l’urgence de le repenser en fonction des conditions de notre monde contemporain. Selon elle, le populisme, face maudite de la démagogie, semble universellement perçu comme un danger mortel pour la démocratie, d’autre part, le populisme serait aussi le révélateur des carences des démocraties occidentales à prétention universaliste et à visée émancipatrice qui tendent à mépriser l’enracinement dans le particulier (« idios », en grec ancien)[13].

Positions politiques[modifier | modifier le code]

Elle a pris de nombreuses positions politiques dont la défense de Robert Redeker, professeur qui était menacé de mort par des intégristes islamiques ; elle s'insurge contre le manque de réaction des instances représentatives françaises musulmanes : « Mais alors je m'étonne de ne pas voir les autorités musulmanes de notre pays s'indigner les premières et voler au secours du banni. Il y a des silences qui sont des acquiescements. »[14]

Opposée au PACS, elle juge au moment de sa création qu'il s'agit d'une « régression » dont le résultat sera d'« accroître le nombre d'enfants abandonnés ou privés de père »[2]. En 2013, elle s'oppose également à l'ouverture du mariage aux couples homosexuels en France, qu'elle qualifie de « pur délire » et de « pantalonnade d’anarchistes ». Elle considère que « bouleverser la filiation consiste à défaire la société » et, à la suite d'une manifestation des partisans du mariage entre personnes de même sexe, elle fait cette analyse : « Le débat, ici, n'est pas entre croyants et non-croyants, entre gauche et droite, entre hétéros et homos, mais entre humanistes et nihilistes »[15],[16].

En , elle signe le « manifeste contre le nouvel antisémitisme » paru dans Le Parisien[17]. La même année, elle est à l'initiative de la Fondation du Pont-Neuf avec notamment Frédéric Rouvillois[18].

Elle signe plusieurs tribunes et pétitions contre l’autodétermination des personnes trans en 2021 et 2022, et est soupçonnée de conflit d'intérêts dans la remise de la bourse Marcelle Blum à l'Observatoire de la petite sirène en 2023[19].

Œuvres[modifier | modifier le code]

Essais[modifier | modifier le code]

  • Essai sur le pouvoir occidental : démocratie et despotisme dans l'Antiquité, Paris, PUF, 1985.
  • La Politique dénaturée, Paris, PUF, 1986.
  • Les idées politiques au XXe siècle, Paris, PUF, "Premier cycle", 1991.
    Traduit en espagnol, tchèque, arabe, russe, macédonien, roumain, albanais.
  • L'État subsidiaire : ingérence et non-ingérence de l'État, le principe de subsidiarité aux fondements de l'histoire européenne, Paris, PUF, 1992.
    Traduit en italien, en roumain. Cet ouvrage a été couronné du Prix de l'Académie des Sciences Morales et politiques.
  • Le Principe de subsidiarité, Paris, PUF, 1993.
    Traduit en polonais.
  • L'Irrévérence, essai sur l'esprit européen, Paris, Mame, 1993.
  • L'Autorité, Paris, PUF, collection Que sais-je, 1994.
    Traduit en coréen.
  • Le Souci contemporain, Bruxelles, Complexe, 1996. Réédité par La Table Ronde en 2004. (ISBN 2-7103-2734-1)
    Traduit en anglais (E.-U.). Cet ouvrage a été couronné du Prix Mousquetaire.
  • Démocraties: l'identité incertaine, direction d'un ouvrage collectif, 1994
  • La Grande Europe ?, direction d'un ouvrage collectif, 1994.
    Traduit en espagnol.
  • Histoire des idées politiques de l'Europe centrale (avec Michel Maslowski), Paris, PUF, 1998.
    Cet ouvrage a été couronné du Prix de l’Académie des Sciences Morales et Politiques.
  • Éloge de la singularité, essai sur la modernité tardive, Paris, La Table Ronde, 2000.
    Traduit en anglais (USA). Cet ouvrage a été couronné du prix Raymond-de-Boyer-de-Sainte-Suzanne de l’Académie française
  • La République. Une question française, Paris, PUF, 2002.
    Traduit en hongrois. Cet ouvrage a été couronné du Prix Louis Liard 2003 décerné par l’Académie française dans la catégorie des prix traitant d'une question de philosophie, ou d'histoire de la philosophie, ou d'éducation.
  • Mythes et symboles politiques en Europe centrale (dir. avec Michel Masłowski, Joanna Nowicki), Paris, PUF, 2002.
    Traduit en roumain.
  • La grande méprise, Justice internationale, gouvernement mondial, guerre juste…, Paris, La Table Ronde, 2004.
    Traduit en anglais (E.-U.).
  • Dissidences (dir. avec Maslowski et Nowicki), Paris, PUF, 2005.
  • Les Deux Europes, Ed. du Sandre, 2007.[lire en ligne] (extrait).
  • Michel Villey. Le Juste Partage, (avec Stéphane Bauzon), Paris, Dalloz, 2007.
  • La Nature du populisme ou les Figures de l'idiot, Les Editions Ovadia, collection Chemins de pensée, , (ISBN 978-2-2915-7413-2)
  • Qu'est-ce que l'homme, éditions du Cerf, 2008 (ISBN 978-2-2040-8586-1).
  • L’Identité de l’Europe, (avec Jean-François Mattéi), Paris, PUF, 2010.
  • La Paresse et la Révolte, Paris, Plon, 2011.
  • L’Âge du renoncement, Paris, éditions du Cerf, 2011.
  • Les Pierres d’angle, à quoi tenons-nous ?, Paris, éditions du Cerf, 2014.
  • Le Nouvel âge des pères, avec Martin Steffens, éditions du Cerf, 2014 (ISBN 978-2-2041-0402-9).
  • Le Populisme et les Demeurés de l’Histoire, Paris/Monaco, éditions du Rocher, 2015.
  • La haine du monde. Totalitarismes et postmodernité, éditions du Cerf, 238 p., 2016 (ISBN 978-2-2041-0806-5).
  • Un personnage d'aventure: petite philosophie de l'enfance, éditions du Cerf, 208 p., 2017 (ISBN 978-2-2041-2111-8).
  • dir. avec Giulio De Ligio, La démocratie dans l'adversité, éditions du Cerf, 2019.
  • dir. avec Giulio De Ligio, Démocratie et liberté. Les peuples modernes à l'épreuve de leurs contradictions, Cerf, 2020
  • Le crépuscule de l'universel, Cerf, 376 p., 2020 (ISBN 978-2-2041-3557-3).
  • dir. avec Joanna Nowicki, La Vie de l'esprit en Europe centrale et orientale depuis 1945, dictionnaire encyclopédique, éditions du Cerf, 2021.
  • La fin de la Chrétienté, éditions du Cerf, 176 p., 2021 (ISBN 9782204146197).

En liaison avec la Circulaire ministérielle du 1er septembre 2011 sur l'instruction civique et morale :

  • Manuel d'instruction civique et morale - Cycle 3, La Librairie des Écoles, , (ISBN 978-2-916-78830-2)

Romans[modifier | modifier le code]

Ce livre manque d'une voix le prix Femina du premier roman, décerné à Jorge Semprun.

Collectif[modifier | modifier le code]

Récompenses et distinctions[modifier | modifier le code]

Décorations[modifier | modifier le code]


Prix littéraires[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Paul-François Paoli, « La gauchiste de la famille », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  2. a et b Renaud Dely, « Enquête sur «la droite» (2). Chez les Millon, l'esprit de belle-famille. C'est le clan de madame qui a les idées et monsieur qui les expose », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. a et b Alexandra Laignel-Lavastine, « « Chantal Delsol, penseuse à réaction » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. Emmanuel Ratier (préf. Henry Coston), Encyclopédie des pseudonymes, t. I, Paris, Faits et Documents, , 330 p. (ISBN 2-909769-10-0), p. 283.
  5. « Tyrannie, dictature, despotisme : problèmes de la monocratie dans l'Antiquité », sur sudoc.fr (consulté le ).
  6. Christophe Geffroy, « La modernité contre l'homme intérieur », La Nef,‎ (lire en ligne) :

    « Parce que je défends l’enracinement, je suis conservatrice. Parce que je défends l’émancipation, je suis libérale. »

  7. Xavier Ternisien, Atlantico s'installe dans un paysage Internet plutôt marqué à gauche, Le Monde, 17 mai 2011
  8. « L'École professorale de Paris : un établissement privé pour former des enseignants », sur savoir.actualitte.com, .
  9. Mickaël Fonton, « Des professeurs pour l'avenir », Valeurs Actuelles,‎ (lire en ligne).
  10. « Faites-le taire », L'Incorrect, no 1,‎ , p. 10.
  11. Comptes rendus, De Boeck Université, Sociétés 2008/2 - no 100, ISSN 0765-3697 | (ISBN 978-2-8041-5773-9), pages 109 à 113, Pierre-André Taguieff, Julien Freund, au cœur du politique, Paris, La Table ronde, coll. « Contretemps », 2008, 160 p.
  12. Mouvement européen - France, « Fondements philosophiques d'une fédération européenne », hebdomadaire, no 8 (d’octobre 1998), [lire en ligne]
  13. La Nature du populisme ou les Figures de l'idiot, Les Editions Ovadia, collection Chemins de pensée, 17 mai 2008, (ISBN 978-2-2915-7413-2)
  14. Chantal Delsol, « "Affaire Redeker" : en démocratie, le débat ne se contrôle pas », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  15. Jean Sévillia, « Chantal Delsol : "Une minuscule coterie mène en bateau tout un pays" », Le Figaro Magazine, .
  16. Patrice de Méritens, « Mariage pour tous : un an après, le débat continue », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  17. « Manifeste contre le nouvel antisémitisme », Le Parisien,‎ (lire en ligne).
  18. Karl Laske et Jacques Massey, « Les « VIP » de Zemmour : l’extrême droite et la droite dure en rang... », Mediapart,‎ (lire en ligne Accès payant, consulté le )
  19. Rozenn Le Carboulec, « Un prix polémique remis à l’Observatoire de la Petite Sirène », Mediapart,‎ (lire en ligne Accès payant, consulté le )
  20. Décret du 13 juillet 2009 portant promotion et nomination
  21. « ASMP - Prix Joseph du Teil », sur asmp.fr via Internet Archive (consulté le ).

Liens externes[modifier | modifier le code]

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