El (dieu)

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ʾĒl est un mot des langues sémitiques du groupe nord-ouest, signifiant « Dieu ». Il peut avoir pris différentes significations selon l'endroit et le lieu où il est attesté, et il a notamment servi à désigner un dieu générique comme à Mari ou être le nom d'un dieu précis, qui a occupé une place importante dans différents panthéons.

Premières attestations[modifier | modifier le code]

Dans les régions dont l'écriture est l'akkadien cunéiforme au cours du IIe millénaire av. J.-C., on trouve des noms de personnes et des mentions d'El (« Ilu(m) » en akkadien). Le terme est en fait écrit par l'idéogramme « DINGIR », servant de déterminatif pour la divinité. Quand on a un nom amorrite, on lit « El », comme dans toutes les langues sémitiques occidentales[pas clair]. Avant ces attestations, qui datent du début du IIe millénaire av. J.-C., on est peut-être déjà en présence d'une forme ancienne de la désignation « El » dans les textes de la Bibliothèque royale d'Ebla (site archéologique de Tell Mardikh, en Syrie) du XXIVe siècle av. J.-C., où l'on trouve un dieu « Ilu » (lecture incertaine), assimilé au dieu sumérien Enlil. Ce nom se trouve à la tête d'une liste de dieux comme ancêtre des dieux, ou père de tous les dieux[1].

On ne sait pas vraiment ce qui se trouve derrière ces mentions d'un « dieu ». Peut-être s'agit-il d'une référence au concept de divinité en général, ou à une divinité personnelle ou familiale, (« ilu(m) », désignant aussi, en akkadien, une divinité protectrice), ou bien à une divinité particulière : Addu ou Dagon.

El à Ougarit[modifier | modifier le code]

Vers le début du IIe millénaire av. J.-C., El est présenté par les textes de la mythologie ougaritique comme le père du panthéon local[2]. Il est cependant supplanté par Baal (Hadad) — son fils ? —, le dieu de l'orage. Il aurait peut-être été une divinité en perte d'influence parce qu'il aurait été dominé par les dieux de la génération qui le suit dans la mythologie.

Sa parèdre (déesse consort) était Asherat. D'après certains textes, le couple que forme El (Ilu) avec Asherat aurait engendré les dieux Hadat/Baal (l'Orage), Yamm (la Mer) et Mot (la Mort) du panthéon d'Ougarit, mais El('ilu) peut aussi signifier simplement « dieu »[3].

El est aussi appelé dans les tablettes ougariennes soit « Toru El », le dieu taureau, soit « Batbyu binwati », le créateur de toute créature, soit « Abu bani ili », le père des dieux, soit « Abu adami », le père des hommes. Il est « qaniyunu ôlam », le créateur éternel, ce mot — « ôlam » — réapparaissant dans la Bible, au livre de la Genèse, dans sa forme hébraïque « El Ôlam, אֵל עוֹלָם », pour désigner le Dieu éternel (Gn 21. 33).

Il est possible qu'il faille voir dans le nom El d'Ougarit un autre nom du dieu Dagon, dieu de la fertilité des panthéons sémitiques occidentaux, car Baal est tantôt présenté comme fils de Dagon (le plus souvent) ou comme fils d'El. De plus, cela expliquerait pourquoi Dagon disposait d'un temple important à Ougarit, tout en étant absent des textes mythologiques, alors qu'on n'a pas découvert de temple dédié à El à Ougarit.

El pour les hittites[modifier | modifier le code]

El est également connu par un mythe hittite d'origine cananéenne, le mythe d'Elkunirshag et Ashirat. El y porte le nom d'Elkunirshag et, là aussi, sa parèdre est la déesse Asherat. Ce texte rapporte lui aussi une rivalité entre El et Baal. Son état fragmentaire ne nous permet pas de bien lire le déroulement du récit. Au début, Asherat tente de séduire Baal, qui repousse ses avances. Devant cet échec, elle le calomnie auprès d'El, et tous les deux s'unissent pour le châtier. Anat vient ensuite au secours de Baal ; la suite du récit est inintelligible. Il a en tout cas le mérite de nous montrer l'existence d'autres mythes relatifs aux divinités cananéennes en dehors d'Ougarit.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Victor Harold Matthews, Judges and Ruth, Cambridge University Press, 2004.
  2. James L. Kugel (en), How to Read the Bible. A Guide to Scripture, Then and Now, Simon & Schuster, 2007.
  3. Thomas Römer, L'invention de Dieu, Seuil, , p. 55

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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