Koulak

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Une famille de Koulak posant à Novgorod Severskiy vers 1900[1].
Illustration des catégories de paysans soviétiques : les bednyaks, ou paysans pauvres ; les serednyaks, ou paysans à revenus moyens ; et les koulaks, ou paysans à revenus élevés (1926).

Koulak (en russe : кулак, « poing », c'est-à-dire « tenu fermement dans la main ») désignait, de façon péjorative, dans l'Empire russe, un fermier possédant de la terre, du bétail, des outils et faisant travailler des ouvriers agricoles salariés. Avec l'avènement du régime soviétique, le terme est devenu synonyme d'« exploiteur » et d'« ennemi du peuple » et son sens a été élargi à tout paysan possédant une vache ou des volailles[2].

Histoire[modifier | modifier le code]

Avant la révolution russe[modifier | modifier le code]

L'abolition du servage en Russie en 1861 a permis la vente et l'achat des propriétés foncières et des terres agricoles. Dans la Russie du XIXe et du début du XXe siècle, les paysans ayant pu acquérir des terres (souvent à tempérament ou à crédit) atteignirent un certain niveau d'aisance (possédant du gros bétail et des terrains suffisamment grands pour produire des excédents agricoles qui étaient ensuite vendus) tandis que d'autres paysans, appauvris par les guerres, les sécheresses ou autres aléas climatiques, sont restés ouvriers agricoles et exposés aux disettes ou famines. L'un des objectifs avérés du Premier ministre Piotr Stolypine (1862-1911) en vue de stabiliser le monde paysan était la création d'une importante classe de koulaks. Son assassinat en septembre 1911 mit fin à cette politique.

En Union soviétique[modifier | modifier le code]

Après la révolution russe de 1917, les koulaks deviennent des boucs émissaires de tous les problèmes de la paysannerie et le sens du mot est fortement élargi : les bolcheviks au pouvoir qualifient de « koulak » tout paysan possédant même seulement une vache, de la volaille et des outils ou tout paysan réfractaire à la collectivisation[3],[4], même s'il n'a rien[5]. Grigori Zinoviev déclarait en 1924 : « On aime parfois chez nous qualifier de koulak tout paysan qui a de quoi manger[6] ».

Dékoulakisation[modifier | modifier le code]

Affiche de propagande soviétique (1930)
La réquisition du blé des koulaks pendant la collectivisation forcée (district de Timashyovsky, territoire du Kouban, 1933)

Pendant la collectivisation prévue dans le premier plan quinquennal (1928-1932), une campagne de dékoulakisation (en russe : раскулачивание), expropriation de la propriété privée des koulaks au profit des kolkhozes, a mené aux déportations, incarcérations, voire à la mort, 5 millions de paysans (notamment par extermination par la faim), particulièrement en Ukraine et dans le Kouban.

La loi du , surnommée la « loi des cinq épis »[3], prévoyait la peine de mort ou le Goulag pour « toute escroquerie au préjudice d'un kolkhoze ». En relation, pendant la période 1930-1932, 2 millions de paysans (soit 380 000 foyers) ont été déportés dans des villages d'exilés[7], 100 000 dans les camps du Goulag[8]. On évalue ainsi à 10 % par an la mortalité chez ces « déplacés spéciaux »[9].

En 1935, le régime déclare officiellement que les koulaks ont cessé d'exister.

Néanmoins, l'anéantissement se poursuivit : notamment, « l'opération koulak », définie par l'ordre opérationnel no 00447 du , fit également un grand nombre de victimes. Elle visait les « éléments socialement nuisibles » et « appartenant au passé », autrement dit les ex-koulaks enfuis cherchant du travail (les sources policières relevaient 600 000 ex-koulaks assignés à résidence). Pour cette opération, des quotas par régions et des catégories (la première catégorie désignant ceux voués à une exécution sommaire, la seconde ceux destinés à une peine de dix ans de camp) furent établis par Staline et diffusés auprès des dirigeants du Parti. Mais les quotas furent largement dépassés par les responsables locaux voulant afficher leur zèle, et les suppléments demandés furent souvent ratifiés par le Politburo. Dans ces conditions, devant l'engorgement des prisons et des camps, la catégorie no 1 « bénéficia » d'un supplément de quota, et au lieu des 4 mois prévus, l'opération ne put se réaliser qu'en 15. Les quotas initiaux furent ainsi largement dépassés : 387 000 personnes furent fusillées et non pas 75 950, et l'on dénombra 380 000 déportés au lieu des 193 500 prévus initialement. Selon les chiffres du NKVD qui sont en cohérence avec ce qui vient d'être énoncé (mais inférieurs pour la catégorie no 2 des déportés), entre et , des opérations de la nature de celles citées enregistrèrent l'arrestation de 335 513 personnes, dont 75 % destinées à la catégorie no 1[10].

De nos jours[modifier | modifier le code]

Ce mot est encore utilisé par allusion, pour désigner les petits propriétaires, en tant que style de vie, électorat, cible marketing, etc.[réf. nécessaire].

Dans la littérature[modifier | modifier le code]

Dans la bande dessinée[modifier | modifier le code]

  • Les Cahiers Ukrainiens - Mémoires du temps de l'URSS - Un récit-témoignage d'Igort - 2010 - Édition Futuropolis - (ISBN 9782754802666)
  • "Les Cahiers Russes - La guerre oubliée du Caucase" - Un récit-témoignage d'Igort - 2012 - Édition Futuropolis - (ISBN 9782754807579)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Connexion • Instagram », sur www.instagram.com (consulté le )
  2. Sergueï Melgounov, La terreur rouge en Russie 1918-1924, Payot 1927.
  3. a et b Philippe et Anne-Marie Naumiak, Ukraine 1933, Holodomor : itinéraire d'une famille et témoignages de survivants, Paris, Éditions Bleu & jaune, Tatiana Sirotchouk éditrice, , 279 p. (ISBN 979-10-94936-06-1)
  4. Anne Applebaum (trad. de l'anglais), Famine rouge : la guerre de Staline en Ukraine, Paris, Grasset, , 1 vol. (503 p.-[24] p. de pl.) (ISBN 978-2-246-85491-3)
  5. Jean-Jacques Marie, Les peuples déportés d'Union soviétique, Paris, Complexe, , p. 11.
  6. Cité par Boris Souvarine, Staline (1935), éditions Lebovici, 1985, p. 364.
  7. Collectif, Le Livre noir du communisme, 1998, p. 14.
  8. Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 84.
  9. Nicolas Werth, « Goulag : les vrais chiffres », L'Histoire, no 169.
  10. Nicolas Werth, « Repenser la Grande Terreur », Le Débat, no 122, nov-déc 2002, extraits ici

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]